01/10/2024
Estime de soi et licenciement
(Photo- Nice, les couleurs du matin)
Dans un enregistrement vidéo, le psychiatre Christophe André résume les trois composantes principales de l’estime de soi.
En imaginant l’estime de soi comme une sorte de cocktail, on pourra dire que le premier tiers de ce cocktail est la partie qui dépend de nos actions qui la nourrissent, qui l’alimentent, c’est-à-dire faire des choses qui marchent : être bon dans un sport, à son travail, réussir un bricolage, faire pousser des tomates, etc. Tous les petits succès concrets, matériels, nourrissent l’estime de soi. C’est ce qu’on appelle l’agentivité, le sentiment de pouvoir agir sur le monde matériel.
Le deuxième tiers de ce cocktail, c’est le sentiment d’être apprécié par les autres, et cette nourriture de l’estime de soi est capitale. Nous avons besoin de sentir que les autres nous respectent, nous estiment, nous aiment, parfois nous admirent, mais l’admiration n’est qu’un petit bout de ce sentiment de relation positive aux autres. D'après certains chercheurs, l’estime de soi est une nourriture très importante pour le sentiment de relation positive aux autres: le sentiment de popularité, le sentiment de reconnaissance, d’exister aux yeux des autres, d’exister positivement.
La troisième partie du cocktail, c’est l’acceptation inconditionnelle. L’amour inconditionnel de soi. Cela se résume ainsi: quoi que je fasse, même si j’échoue, même si j’ai l’impression que personne ne m’aime, j’ai quand même de la valeur. Je vaux quand même quelque chose et je dois me respecter. Nous avons besoin de toutes ces trois composantes dans notre vie. Quand ça se passe moins bien avec les autres ou quand nous ratons des choses, notre estime de soi se rabougrit un peu, mais il est important d’avoir ce noyau dur et pouvoir se dire: Même mal-aimé, même en échec, ne te jette pas à la poubelle.
J’ai eu l’occasion de réfléchir à nouveau à ces aspects en apprenant la manière dont une grande compagnie organise deux vagues de licenciements, au cours de cette année. La stratégie de la compagnie est justifiée, en soi, disons simplement que, dans un contexte économique peu favorable, ses coûts augmentent et ses bénéfices diminuent, malgré un chiffre d’affaire toujours impressionnant, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards. Et puisque la compagnie ne peut licencier les ouvriers auxquels elle a déjà accordé une augmentation suite à la pression des syndicats, elle met en œuvre un plan qui vise des cadres, quelques milliers de personnes. On introduit des IA, là où cela est possible, mais la quantité de travail sera répercutée en grande partie sur ceux qui vont conserver leur poste. Cela pour le mécanisme. Voici pour la méthode : les cadres (des managers, des chefs de projets) reçoivent par e-mail en début de semaine (lundi) la notification que leur poste va être supprimé en fin de semaine (vendredi). Ils ne sont pas informés ou préparés plus que ça. Bien entendu, tout le monde est au courant depuis quelques mois que tel pourcentage du personnel devra disparaître, mais les positions ne sont pas mentionnées. Dans la plupart des cas, il est question de gens ayant 25-30 années de service dans la compagnie. Bien sûr, ils partent avec plusieurs mois de salaire (ils ont un salaire plutôt confortable) et ils auront une assurance santé prévue pour cette situation intermédiaire, avant de pouvoir retrouver un emploi.
Mais je ne peux m’empêcher de penser que la méthode est assez brutale, et que ces cadres, bien que normalement résilients ou aguerris, car formés dans un environnement compétitif par définition, devront avoir une forte estime de soi pour mobiliser leurs forces, se remettre en condition et proposer (lire vendre) leurs compétences. Ils trouveront vite, me rassure-t-on, le marché du travail en question est extrêmement dynamique, le chômage n’est pas élevé, l’optimisme est la règle…
Sur l’estime de soi, cette note de l’année dernière :
http://www.cefro.pro/archive/2023/04/27/l-estime-de-soi-6...
08:00 Publié dans Archives, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Cours/Courses, Formation/Training, Ingénierie/Engineering, Management/Marketing, Philosophie/Psychologie, Public ciblé/Targets, Science, Web | Tags : licenciement, estime de soi, résilience | Lien permanent | Commentaires (0)
01/05/2023
L'estime de soi
(Photo- Nice, rosier en mai)
Comment pourrait-on définir une personne authentique? Elle a une haute estime de soi, elle accepte l'idée d'être parfois vulnérable, elle partage ses idées, opinions, croyances sincères avec le reste du monde, elle fait et reçoit volontiers des compliments, elle écoute réellement et préfère les conversations profondes, elle se laisse guider par sa voix intérieure plutôt que par son environnement. La clé de l'authenticité consiste à savoir qui on est, et se sentir bien avec soi-même. Cela demande du temps pour développer des idées solides sur les choses qui présentent vraiment de l'intérêt à ses propres yeux, afin de ne pas adopter aveuglément celles des autres. Quand on arrive à vivre en accord avec ses valeurs, quand on peut les ressentir, les soutenir, se battre pour elles, les représenter, on devient davantage proactif que réactif. Les personnes qui savent regarder en elles-mêmes, pour comprendre pourquoi elles pensent et agissent d'une certaine façon, sont plus éveillées quant aux principes et aux objectifs qui jalonnent leur vie.
Le noyau de ce comportement authentique n'est autre que l'estime de soi. Sur la question fondamentale si l'estime de soi est une valeur inaliénable, ou bien une capacité à acquérir, les opinions sont divisées. Dans certains pays, il existe des programmes pour promouvoir l’estime de soi et la responsabilité, comme facteurs indispensables de la réussite personnelle et sociale. Mais pour qu’ils soient vraiment efficaces, il faudrait qu’ils accompagnent des changements de fond dans la société, des changements susceptibles d’offrir des conditions à l’épanouissement personnel.
Le psychiatre Christophe André énumère six dimensions de l’estime de soi : la hauteur, la stabilité, l’harmonie, l’autonomie, le coût, la place dans la vie personnelle.
On peut avoir une estime de soi haute (s’apprécier, être assez sûr de soi pour agir et prendre sa place parmi les autres, ne pas s’effondrer face aux échecs ou aux difficultés, etc.) ou basse (se dévaloriser, être peu sûr de soi et souvent éviter d’agir et ou de prendre sa place parmi les autres, facilement s’effondrer ou renoncer face aux échecs et aux difficultés, etc.). La recherche d’une haute estime de soi à tout prix ne peut être un idéal. De nombreux sujets à haute estime de soi s’avèrent anxieux, rigides, et finalement en échec intime, émotionnel et relationnel, dans de nombreuses circonstances de la vie. Alors que certains sujets ayant une estime d’eux-mêmes modérée arrivent à se sentir bien et à accomplir de grandes choses. Il est possible de mentir ou de se mentir en matière de niveau d’estime de soi. On identifie une bonne estime de soi au discours que la personne porte sur soi (elle parle positivement d’elle, accepte les compliments sans gêne), à son attitude face à l’action (elle est capable d’entreprendre, de persévérer, de renoncer sans se sentir humiliée ni chercher d’excuses), à ses attentes et à ses ambitions (elle ajuste ses prétentions à sa valeur, ni trop ni trop peu).
Un bon indice de la qualité de l’estime de soi concerne sa réactivité aux événements de la vie. Il s’agit de l’intensité des réactions émotionnelles face aux situations difficiles, mais aussi aux réussites. Une estime de soi stable joue un rôle d’amortisseur face aux échecs ou aux réussites, aux critiques ou aux approbations. C’est-à-dire ne pas avoir une réactivité exagérée au moindre problème qui mettrait en cause son image devant les autres. Cette stabilité se traduit par un comportement et un discours constants, quel que soit le public ou les interlocuteurs.
Une estime de soi harmonieuse n’est pas surinvestie dans un domaine, mais au contraire, elle a de multiples centres d’intérêt. La personne peut ainsi se réparer dans un domaine si elle est en échec dans un autre, et cela sans sombrer dans l’amertume. Il n’existe pas de grands écarts entre personne privée (en famille, avec les proches) et personnage public (dès que les autres regardent).
Certaines estimes de soi dépendent principalement de facteurs externes - succès financier ou statutaire, apparence physique. D'autres sont plus centrées sur l’atteinte de valeurs, la pratique de vertus (se montrer gentil, serviable, solidaire, généreux, honnête, etc.). Quand on investit son estime de soi dans des objectifs internes, elle est plus résistante et solide parce qu’elle ne dépend pas de la validation de l’environnement. Elle est donc autonome par rapport aux pressions sociales sur ce qu’il faut avoir, faire ou montrer pour se sentir estimé des autres (voiture, conjoint, enfants, etc.). La capacité d’endurance, de supporter le rejet ou le désaveu en termes de soutien social est aussi un marqueur de l’autonomie de l’estime de soi.
Pour rester à niveau, l’estime de soi nécessite des stratégies de maintien, de développement, de protection. Cela a un coût psychologique. Protéger ou promouvoir l’estime de soi ne se fait pas en dépensant énormément d’énergie dans le déni de réalité, la fuite, l’évitement, l’agressivité envers autrui. Ce sont là des stratégies qui sacrifient de nombreux aspects de la qualité de vie. Une estime de soi « économe » en énergie psychologique suppose un impact émotionnel modéré des événements mineurs, un bas niveau général du stress, une réaction mesurée aux critiques, une justification sans exagération, une capacité à entendre les critiques au lieu de les éviter ou de les annihiler.
L’aspect de la place centrale de l’estime de soi dans la vie de la personne est important puisqu'il est lié à l’image de soi. Quelle importance accordons-nous à notre image, à l’opinion que les autres ont de nous, à notre amour-propre (réagir aux critiques sans se sentir offensé, ou parfois choisir de ne pas réagir) ? La question est si la défense ou la promotion de notre image occupent une place centrale dans notre esprit et dans nos efforts, ou simplement une place légitime, sans excès. Chez les personnalités narcissiques, l’estime de soi est une question centrale et vitale et aussi envahissante. Une bonne estime de soi, c’est-à-dire non surinvestie, se reconnaît au fait que les blessures d’amour-propre ne contaminent pas l’ensemble des pensées de la personne, son activité ou ses états émotionnels. La personne a la capacité de digérer ses échecs sans drame, sans surveiller en permanence les indices témoignant de son statut, elle se contente d’être appréciée sans avoir besoin d’être célébrée. Elle peut suivre des objectifs qui ne lui rapportent rien en termes de prestige social ou d’image, elle agit gratuitement en termes d’estime de soi. Tout le monde n’en est pas capable, mais tout le monde peut apprendre.
Voici dans ce document PDF les caractéristiques d'une personne qui s'estime (cours CEFRO).
Références
Christophe André, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi, Editions Odile Jacob, 2006, 2009
Archives CEFRO Etre authentique (2014)
08:00 Publié dans Archives, Blog, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Cours/Courses, Livre, Philosophie/Psychologie | Tags : estime de soi, image de soi, authenticité, qualité de vie | Lien permanent | Commentaires (0)
01/09/2018
Le sociomètre, notre jauge psychologique
(Photo- Nice, août 2018, premier feu d'artifice depuis l'attentat terroriste du 14 juillet 2016)
Dans une approche interpersonnelle, le soi est une construction sociale façonnée au travers des échanges avec les autres. Trois courants majeurs jalonnent cette approche:
1) l’interactionnisme symbolique est basé sur l’influence du regard des autres (la personne intègre les opinions d’autrui, en faisant siennes les valeurs et les opinions d’autrui significatifs –il y a quatre autrui significatifs: les parents, les enseignants, les camarades de classe, les amis proches). Nous sommes ce que les autres pensent de notre apparence, de notre caractère, de nos faits et gestes. Dès la première enfance, les individus se miroitent dans les yeux des autres et construisent un soi qui est congruent avec ces évaluations (chacun a son miroir qui permet à l’autre de se voir). Nos conjectures sur ces miroirs dépendent des qualités que nous attribuons à ces individus.
2) l’approche additive combine les approches intrapersonnelle et interpersonnelle: l’analyse de la relation entre sa propre compétence et ses propres aspirations à être compétent. L’importance des parents pour la formation de l’Estime chez l’enfant est cruciale: l’existence de standards forts et clairs (règles et limites de comportement, avec liberté, latitude, respect à l’intérieur).
3) l’approche évolutionniste a conceptualisé l’Estime de soi en termes interindividuels, en se fondant sur les observations de la biologie évolutionniste appliquées à la psychologie: les êtres humains ont développé un mécanisme bio-psychologique qui les a conduits à éviter le rejet interpersonnel pour être acceptés par le groupe, ils ont développé une aversion au rejet et à l’abandon, ainsi qu’un système de décodage des menaces.
08:00 Publié dans Blog, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Cours/Courses, Formation/Training, Management/Marketing, Public ciblé/Targets, Science | Tags : théorie du sociomètre, psychologie, estime de soi, stratégies, valorisation de soi | Lien permanent | Commentaires (0)
18/10/2016
Acceptons nos émotions (I)
Eloge de la lucidité est Prix Psychologies-Fnac 2015. La préface est signée par Christophe André, et la Postface par Matthieu Ricard. Son auteur, Ilios Kotsou intervient, en Belgique et aussi en France, sur les thèmes de l’intelligence émotionnelle et de la pleine conscience. Dans cet ouvrage, il se fonde sur la littérature scientifique de ce que l’on appelle en psychologie « les approches de troisième vague » centrées sur l’observation, la reconnaissance, l’exploration et le non-jugement de nos expériences, et plus exactement sur la thérapie de l’acceptation et de l’engagement. Il y est question de la quête du bonheur et de ses pièges, de la différence entre la pensée positive ou magique et la psychologie positive, de la poursuite de l’estime de soi qui peut s’opposer à un moment donné à la tolérance, à l’auto-compassion, à l’élargissement de soi.
08:11 Publié dans Blog, Compétences émotionnelles/Emotional Intelligence, Conseil/Consultancy, Cours/Courses, Formation/Training, Littérature, Livre, Management/Marketing, Public ciblé/Targets, Science | Tags : émotions, thérapie troisième vague, acceptation, engagement, estime de soi, évitement, pensée positive | Lien permanent | Commentaires (0)